Semaine de prière pour les vocations :

Témoignage du Père Francklin GRACIA,
Société des Prêtres de Saint-Jacques



Appelé à l’engagement comme prêtre

C’est difficile pour moi de dire comment j’ai su que j’ai été appelé à devenir prêtre. Je me souviens toutefois de la première fois que j’ai dit à mon père que je voulais devenir prêtre. J’étais alors à peine âgé de 6 ou 7 ans. Pourquoi ai-je pensé à cela à cet âge-là ? Peut-être que j’étais tout simplement influencé par le prêtre que je voyais dans ma paroisse, et qui m’avait donné envie d’être comme lui. Mon père l’a bien compris lorsque, réagissant à ma confidence, il me fit quelques remarques du genre : « tu ne sais pas encore ce qu’est un prêtre, peut-être que tu vas vouloir te marier et avoir des enfants … Cependant, prenant au sérieux ma confidence, il m’a promis de m’accompagner dans mon travail de discernement vocationnel. 

De fait, mon père et ma mère m’ont accompagné. Qu’aujourd’hui je sois prêtre et serviteur de l’Église relève de l’initiative souveraine de Dieu qui m’y a appelé dans sa grande bonté et son infinie miséricorde. Entendre son appel, le discerner et y répondre positivement ont nécessité la rencontre et l’aide précieuse de nombreuses personnes, que Dieu lui-même a mises sur mon chemin. Parmi celles-ci, figurent mon père, ma mère, mes frères et sœurs, ainsi que toute la famille. J’ai une reconnaissance éternelle pour mes parents, ma mère dont je suis constamment admiratif et mon Père, décédé – malheureusement – trois mois après que j’ai été ordonné prêtre. Je sais qu’il me regarde là où il est, content de mon engagement sacerdotal.

Vaut ici la peine de mentionner une autre personne qui a joué un rôle important dans ma vie au cours de mon cheminement vocationnel et de ma formation en grand séminaire. Il s’agit de Mgr Serge B. CHADIC. Il a grandement participé à ce que je sois devenu qui je suis aujourd’hui. J’ai été très heureux qu’il ait accepté de donner l’homélie lors de ma première messe à la paroisse Notre Dame de l’Assomption, dans la ville de Petit-Goâve, située dans le département de l’Ouest d’Haïti. Tant de prêtres originaires de ma paroisse et le Père Boniface Sénat – qui m’a présenté au Séminaire – ont été pour moi comme des « Philippe » m’accompagnant, tel « l’eunuque éthiopien », sur le chemin.

Questions et épreuves sur le chemin de la réponse à l’appel du Seigneur

Le temps du discernement vocationnel est marqué par des questions. Les récits bibliques de vocations m’ont rassuré dans mon cheminement, dans les moments où il m’a fallu surmonter quelques doutes et dissiper certaines hésitations. Un prophète comme Jérémie m’a beaucoup aidé. En effet, exerçant son ministère au sixième siècle avant Jésus Christ, celui-ci pensait ne pas être à la hauteur de la mission à laquelle Dieu l’avait appelé (cf. Jr 1, 1-9) : « Ah ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler, je suis un enfant ! » (Jr 1, 6).

Avec le prophète Jérémie, j’ai pu comprendre une chose essentielle : quand le Seigneur appelle pour une mission, il donne également les grâces nécessaires en vue d’y répondre. Surmontant ses doutes, Jérémie a su faire confiance à Dieu, en accueillant son appel : « Seigneur, tu m’as séduit et je me suis laissé séduire » (cf. Jr 20, 7).

La rencontre de l’ange Gabriel et la Vierge Marie a été pour moi une sorte d’école à la confiance en Dieu. Marie n’a pas tout compris mais elle a su faire  confiance à l’ange, qui, à son tour, l’a d’abord rassurée, en lui disant : « Ne crains pas » et, ensuite, en lui révélant que « rien n’est impossible à Dieu ». Ces témoignages bibliques m’ont permis d’évacuer au fur et à mesure qu’elle se présentait, toute peur sur le chemin de ma réponse à l’appel du Seigneur.

Avec Jérémie et la Sainte Vierge Marie, tous les jours et à tout instant, j’entends Dieu me dire « ne crains pas, c’est moi qui t’ai choisi, appelé par ton nom ».

La figure de Jésus

Me frappe beaucoup la figure du Christ appelant les 4 premiers disciples de l’Évangile selon saint Luc. Il les rejoint là où ils en sont, dans leurs activités, dans leur désespoir. Il les rassure et les invite – loin de les laisser gagnés par le découragement – à aller plus loin : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche » (Lc 5, 4). Cette parole me rejoint particulièrement en m’invitant à la confiance. Elle m’a guidé au moment tout spécial où j’allais choisir de rentrer dans la Société missionnaire des Prêtres de Saint-Jacques pour m’y engager au service de la mission de l’Église à l’extérieur de mon pays. Il s’agit d’un choix plutôt difficile pour quelqu’un comme moi, n’ayant jamais vécu auparavant en dehors de ma terre natale. Alors il m’était pratiquement impossible de m’imaginer, rien qu’une seconde, d’être prêtre exerçant mon ministère loin de ma patrie.

Mais l’appel de Jésus a résonné en moi autant que la grâce de pouvoir y répondre m’a été en même temps accordée. Comme Pierre, j’ai été amené à comprendre et à intégrer le fait que la puissance de Dieu me dépasse, et la présence reste souvent insoupçonnée. J’entends encore Jean le Baptiste qui m’en fait prendre conscience quand il déclare : « au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas ».  S’actualisent dans ma vie ces mots de Jésus au futur saint Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ».

N’est-ce pas impressionnante la manière propre au Seigneur de nous manifester sa confiance, alors même qu’il connaît bel et bien nos limites et nos chemins. Il nous fait confiance au point de se donner par nos mains, notamment dans la célébration eucharistique. D’ailleurs, je suis moi-même impressionné à chaque fois que je prononce les paroles de la consécration où le pain et le vin sont transformés en corps et sang du Christ. Je suis marqué par cette figure du Christ,  qui nous appelle, nous fait confiance et nous envoie.

Jésus, un Dieu de miséricorde

Pour moi, ce qui me frappe le plus dans l’attitude de Jésus, c’est sa pratique de la miséricorde. Je pense en particulier à l’évangile que nous avons lu, le cinquième dimanche du temps de carême. Il y était question d’une femme prise en flagrant délit d’adultère (cf. Jn 8, 1 – 11). Jésus commence par conduire les uns et les autres à prendre conscience de sa propre situation par rapport au péché. A la foule des gens qui était là et qui lui demandait avec insistance ce qu’il est juste de faire par rapport à la femme adultère, Jésus répond :  « celui qui n’a pas péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre« . Ensuite, s’adressant à la femme, il lui dit : « moi, non plus je ne te condamne pas, va et désormais ne pèche plus ».

La figure miséricordieuse de Jésus me touche beaucoup. Quand je relis ma vie, je croise souvent son regard miséricordieux. Alors je me demande – bien souvent – : que serions-nous sans la miséricorde de Dieu ?

Le Christ, par sa miséricorde, donne sens à ma vie de chrétien et de prêtre. Et c’est seulement l’expérience de la miséricorde de Dieu, dument et continuellement faite, que je puis vivre, comme prêtre, mon engagement pris lors de mon ordination diaconale. A l’évêque qui m’interrogeait « veux-tu implorer avec nous la miséricorde de Dieu pour le peuple qui te sera confié, en étant toujours assidu à la charge de la prière », serein, j’avais répondu oui, en toute conscience et en pleine liberté.

Comme chrétien et comme prêtre, j’ai constamment besoin de me laisser regarder par le Christ. Pour moi, la péricope qui me parle le mieux de Jésus, c’est celle de la rencontre avec cette femme adultère, conduite à faire l’expérience de l’amour inconditionnel de Jésus Christ, lui qui, sans jamais nous condamner, ouvre continuellement devant nous et pour nous de nouveaux chemins, faits de joie, de paix intérieure, d’espérance, en même temps qu’il nous procure le courage nécessaire pour avancer, toujours et encore.

 Ma prière comme prêtre

Ma prière est celle-ci « que je devienne un pont et non un mur ».

 

Francklin Gracia a été ordonné prêtre pour la Société des Prêtres de Saint-Jacques, en août 2018. Il est né à Desbureaux, localité de la commune de Petit Goâve,  en Haïti.

Il est issu d’une famille catholique pratiquante, appartenant à la paroisse saint Michel, de Lefort.

A la fin de ses études classiques, il a entamé une formation en informatique bureautique, qu’il a discontinuée pour s’engager durant de longues années de préparation et de discernement vocationnel. Après son année propédeutique spirituelle, il a suivi les cours du cycle de philosophie durant deux années, au séminaire Notre Dame d’Haïti, dans la banlieue de Port-au-Prince. Après une année de stage pastoral à Port-au-Prince et à Landerneau (France), il a fait quatre années de formation théologique et pastorale au séminaire de Rennes. Aujourd’hui, il est vicaire à la paroisse Saint Melaine, à Pacé, dans l’archidiocèse de Rennes.