Homélie de Mgr Jean-Marc Aveline, aux ordinations presbytérales au Centre Missionnaire Saint-Jacques, en Guiclan.
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. » (Lc 10, 2-3, 9).
Chers amis l’ordination presbytérale de Jean-Reynold, Carlsendro, Richelin, Amoce-Fraïme et Nahum Guenaël, pour la société des prêtres de Saint-Jacques, est pour nous tous ce matin, venant de Vannes, de Strasbourg, de Marseille ou du diocèse de Quimper et Léon, où se trouve ce beau Centre Missionnaire de Saint-Jacques, l’occasion de rendre grâces à Dieu pour ces nouveaux ouvriers qu’il envoie à sa moisson.
Comment ne pas faire mémoire en ce lieu alors même que nous célébrons la journée missionnaire mondiale de ce fameux 10 juin 1864, lorsque débarquait à Port-au-Prince Mgr Testard du Cosquer et que commençait ainsi la grande aventure missionnaire dont vous, Prêtres de Saint-Jacques, êtes les héritiers.
Comme les voies de la providence sont étonnantes, allant d’abord de France vers Haïti, puis de Haïti vers le Brésil et finalement de nouveau vers la France, au gré des besoins de la mission de l’Église ! Et comme à chaque étape, à chaque déplacement, il importe d’exprimer une immense re connaissance à ceux qui, pour répondre à l’appel du Seigneur les envoyant travailler à la moisson, acceptent de quitter leur pays, leur famille, leurs amis, leur milieu naturel de culture et de vie !
La pandémie que nous subissons actuellement vous prive, chers amis ordinands, de la présence des vôtres ici-même ce matin. Croyez bien que nous ferons de notre mieux pour que l’ombre de cette absence ne ternisse ni la lumière de votre joie, ni la claire expression de notre reconnaissance.
D’ailleurs vous le savez bien le seigneur qui vous appelle et vous envoie est aussi celui qui vous offre personnellement son amitié et ne vous abandonnera jamais.
Il vous a appelés, comme dit Saint Marc à propos des 12 pour « être avec lui et [vous] envoyer proclamer la bonne nouvelle » (Mc 3, 13). Soyez simplement fidèles à cette demande du seigneur à votre égard ; soyez avec Lui ! Ce qui veut dire prenez soin de votre amitié personnelle avec le Christ. C’est de loin le plus important. Cette amitié, il faut d’abord l’accueillir ; c’est un donc qui vous est fait, un cadeau qui ne dépend pas de vos mérites mais de la bonté de Dieu et de son désir de vous associer d’une manière toute particulière à son œuvre de salut. Cette amitié, veillez aussi à bien l’entretenir chaque jour de votre vie et à l’offrir en retour au seigneur Jésus qui n’attend pas que vous soyez des surhommes, mais simplement des amis avec qui il puisse partager sa mission.
Ne négligez donc jamais le temps que vous passez quotidiennement avec le seigneur dans la prière et l’oraison, dans la célébration des sacrements et particulièrement de l’Eucharistie.
pour ne pas devenir des hommes de sacristie, préoccupés des affaires cléricales plus que du bien du troupeau, n’oubliez pas tout ce que le Christ a déjà fait pour vous, pauvres pécheurs : sa présence discrète mais sûre dans les méandres de vos tâtonnements ; le baume de sa miséricorde sur les brûlures et les blessures de vos histoires ; son art de vous prendre par la main pour vous entraîner, vous relever, pour vous apprendre à tendre vous-même la main aux brebis les plus fragiles de son troupeau bigarré…
Qui donc es-tu, seigneur, pour faire confiance aux pécheurs que nous sommes ? Qui donc es-tu pour ne pas désespérer de nous, lorsque notre orgueil risque toujours de détruire ce que ton humilité construit patiemment chez ce que tu nous confies ? Qui donc es-tu, seigneur, pour tenir tant à ce que je sois ton ami ? Qui donc es-tu pour m’appeler, malgré toutes mes faiblesses, à devenir ton prêtre pour l’éternité ?
Vous le savez, le Christ est l’unique Grand Prêtre, lui qui est à la fois l’autel, le prêtre et la victime. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. Il est le cep et nous sommes les sarments. C’est lui-même qui est prêtre dans les membres de son corps, dans toute la vie de son Église, dans le sacerdoce commun de tous les baptisés et dans le sacerdoce ministériel qui est au service du sacerdoce commun, et qui vous est conféré aujourd’hui, à vous, de Jean-Reynold, Carlsendro, Richelin, Amoce-Fraïme et Nahum Guenaël. Votre ministère de prêtre va non seulement vous lier plus intimement au Christ mais il va également orienter tout votre être vers la mission de l’Église. C’est comme prêtres, désormais, que vous serez missionnaires, serviteurs du peuple de Dieu.
Or la mission de l’Église, à l’école de la Vierge Marie, c’est de donner corps à la Parole de Dieu. On pourrait dire que l’Église est la Parole de Dieu en marche et que son devenir s’identifie à celui de la Parole. « La parole de Dieu grandissait » dit d’ailleurs simplement saint Luc pour exprimer les progrès de la foi et la dilatation de la communauté ecclésiale (Ac 6, 7 ; 12, 24 ; 19, 20). Vous donc, comme prêtres, soyez des serviteurs de la Parole et ayez le souci de proclamer la Bonne Nouvelle, comme Jésus le demandait à ceux qu’il avait appelés à être avec lui. Et ne la proclamez pas seulement par des paroles mais surtout par le témoignage de votre vie.
Montrez le Christ plutôt que de parler de Lui. Imitez-le plutôt que de donner de leçons sur Lui. Partagez sa vie humblement et laissez-vous transformer par celui que vous cherchez à imiter. Faites de toute votre vie une Eucharistie. Souvenez-vous toujours de cette vérité si grande du mystère de notre foi : Dieu, qui est tout-puissant, a choisi pour se révéler en plénitude de venir partager avec nous l’expérience d’une vie humaine. Son Fils Jésus est né de la Vierge Marie et a vécu notre condition d’homme en toutes choses, excepté le péché. Vous qui devenez prêtres, restez bien ses disciples ! Soyez humains comme il le fut pour nous, mais soyez saints comme il nous y a appelés.
« Il y a des prêtres qui semble n’avoir jamais de vie d’homme » faisait jadis remarquer Madeleine Delbrel. « Ils ne savent pas peser les difficultés d’un laïc, d’un père ou d’une mère de famille, à leur véritable pouvoir humain. Ils ne réalisent pas ce que c’est vraiment, douloureusement, qu’une vie d’homme ou de femme ». Mais elle ajoutait également qu’on attend des prêtres qu’ils soient des guides vers la sainteté, par la qualité de leur prière, par leur joie et leur paix intérieures, par leur liberté et leur discrétion, par leur amour des pauvres et leur ancrage dans le Christ, qui est « le chemin la vérité et la vie » (Jean 14, 6).
Chers frères de la Société des Prêtres de Saint-Jacques, permettez que je vous exprime, au nom de notre Église qui est en France notre profonde reconnaissance pour la part que vous prenez à notre mission. Vous êtes les témoins émerveillés des diverses traces du désir de Dieu chez les peuples d’Haïti, du Brésil et de France, dans la diversité de leurs cultures d’origine, de leurs recherches spirituelles et de leurs appartenances religieuses. À cause de Jésus Christ, en vous enracinant dans ces différents pays, vous donnez corps à la mission de l’Église, en accompagnant humblement « la marche de Dieu vers les peuples » du monde, ces peuples qui sont de plus en plus liés les uns aux autres, appelé à devenir Fratelli Tutti, selon le vœu et l’encouragement du pape François.
Et vous, chers de Jean-Reynold, Carlsendro, Richelin, Amoce-Fraïme et Nahum Guenaël, vous qui êtes envoyés « comme des agneaux au milieu des loups », que l’Esprit Saint vous conforte et rende fécond votre ministère. Que le Verbe qui s’est fait frère vous aide à témoigner de la bonté et de la miséricorde du Père et que la Vierge Marie, mère attentive et bienveillante, vous apprenne à faire « tout ce que son Fils vous dira » avec courage et avec tendresse.
Oui, la moisson est abondante ! Merci de donner au seigneur votre vie pour qu’il la consacre tout entière à cette magnifique mission.
Notre prière vous accompagne.
Amen.
Mgr Jean-Marc aveline archevêque de Marseille