Poème déclamé à Notre-Dame de Paris (28 mars 1980)
ELEGIE POUR MONSEIGNEUR ROMERO
L’homme qui habita son courage
s’efface revêtu de sang
et ne guide plus son peupleUn tel pasteur de peuples
ne pousse pas comme l’herbe sous les mois des tropiques
Son enseignement était semblable aux pluiesIl tomba sur la terre desséchée de mon peuple
cet homme fruit du miracleIl vécut au milieu de mon peuple
pansa ses plaies
et généreux se mit à tisser son vêtement de sangIl méprisa le brillant difficile de la vanité
et parce qu’il vit des choses que ne virent point ses semblables
il conserva l’anneau princier de l’église
et de la pourpre de sa souffrance
tissa le tissu de sa véritéEn sa prière souffla la tristesse
sa mort est là
qui n’a pas besoin d’explicationSes ennemis ont cru gagner la partie
mais mon peuple se rassemblera comme l’écume
des vagues qui n’ont point de reposC’est sûr
l’oreille du propriétaire terrien
n’entendra plus son couplet
ni l’oreille du général sa parole révélant ses crimesMais c’est sûr nous voyons tous
comment tressaille d’horreur le monde
combien il lui saisit en tristesse
ses mains qui prièrentJe le pleure
comme le pleure Joseph le charpentier
Pierre le pêcheur
Jean le peuple
et Anne
et Marie qui moulut le maïs
et Marthe la guérilleraJe le pleure pour son courage
Pour sa noblesse
continuel objet de haine
et qui tombe aujourd’hui au torrent
en laissant muet le vol des oiseaux
Torrent nourrissant l’alluvion de feu de mes volcansEn ce temps-ci
de cœurs gros
un tel pasteur revit le mytheSa mort traverse le monde
en secouant les ténèbres de l’oppressionAuprès de mon peuple repose vivante son ombre
Je me rappelle qu’il me disait
l’unité est pierre
terre
feu
et rempartMonseigneur
mon frère
écoute
je te pleuremais je te dis
au vent de prophétie
ton sang roule
enroule
et renouvelle
les vagues de l’avenir
Roberto Armijo
Paris, le 26 mars 1980
(Traduction DIAL)