Sainte-Anne-d’Auray. Le père Joël Bernard est inquiet pour ses frères enlevés en Haïti
Les prêtres, religieuses et laïcs haïtiens et français enlevés le 11 avril 2021 en Haïti font partie de la Société des prêtres de Saint-Jacques, dont le père Joël Bernard est membre. Il est également chapelain au sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray (Morbihan), vicaire des paroisses d’Auray et responsable de la pastorale jeunes.
Le père Joël Bernard. | Ouest-France Publié le 16/04/2021 à 17h00
Le père Joël Bernard est chapelain au sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray (Morbihan), vicaire des paroisses d’Auray et responsable de la pastorale jeunes. Depuis dimanche 11 avril 2021, il est bouleversé. « L’enlèvement de nos frères et sœurs prêtres, religieuses et laïcs haïtiens et français à Port-au-Prince m’a profondément atteint. Sur les cinq prêtres enlevés ce jour-là, quatre appartiennent à la Société des prêtres de Saint-Jacques, dont je suis membre. C’est une grande émotion pour notre institut missionnaire. »
Ordonné prêtre le 18 août 2018, il voit son pays s’enfoncer depuis plusieurs mois. « La misère et l’insécurité se généralisent. Le pays fait face à la violence aveugle des gangs et des bandits armés, qui opèrent en toute impunité. » Les actes de kidnapping, d’assassinat, de rançonnement et de viol se comptent chaque jour. « Les gangs et les bandits sèment le chaos, la terreur, la mort. Même les enfants ne sont pas épargnés. »
La corruption
Pour le père Joël Bernard, c’est tout le pays qui est menacé, fragilisé et déstabilisé dans ses institutions. « Les dirigeants sont contestés et incapables de stabiliser la situation. C’est désastreux pour le peuple lui-même, victime de la corruption. Une minorité de l’élite économique possède 85 % des richesses du pays. »
Il dénonce l’injustice sociale avec une mauvaise gouvernance, une gestion déficiente, une mauvaise administration et un gaspillage des fonds publics, des ressources naturelles et humaines. « Les gens se sentent abandonnés. Ça provoque de la violence, avec des gangs armés dans les bidonvilles liés à des groupes mafieux économiques et politiques. »
Des gens sérieux
Toute sa communauté et lui prient pour ces prêtres enlevés, mais aussi pour tous les Haïtiens. La jeunesse, qui représente 60 % de la population, soulève de plus en plus les malversations par le biais de manifestations et les réseaux sociaux. « Ils veulent un monde meilleur, où ils peuvent étudier et travailler. Aujourd’hui, ils n’ont aucune perspective d’avenir. » S’il est difficile d’accéder au pouvoir et de faire de la politique, il y aurait une réelle prise de conscience sur place.
Haïti doit retrouver la sérénité. « Cela passera aussi par ces gens sérieux, ces hommes et ces femmes qui s’investissent dans la politique à Haïti, pour des changements réels et en qui la population pourra retrouver la confiance. »
« C’en est trop ! »
Dans le contexte actuel, la position de l’Église est difficile, mais elle soutient l’espérance du peuple. « Elle ne doit pas et ne devra pas se laisser emporter par le découragement. C’est elle qui accompagne une grande partie de la population haïtienne dans le domaine éducatif, de la santé, dans des centres hospitaliers, médicaux et dans des dispensaires, confie le père Joël Bernard. Mais comme l’état est faible, c’est l’Église qui relaie les institutions étatiques, surtout dans les coins les plus reculés et les plus pauvres. L’enlèvement de ses hommes et de ses femmes d’Église crée depuis dimanche un vrai sentiment de révolte. J’ai honte des autorités irresponsables de mon pays d’origine. C’en est trop ! il faut que ces actes inhumains s’arrêtent dans ce pays qui s’appelait autrefois la perle des Antilles. »
Source : OUEST-FRANCE