Publié le 2021-04-13 | Le Nouvelliste
Publié ici avec l’aimable autorisation de l’auteur
Les médias occidentaux n’en finissent pas de bombarder les oreilles et les yeux du monde de propos et d’images autour de la mort d’un homme de quatre-vingt-dix-neuf ans. Il était prince. Peut-être ne doit-on pas mourir lorsqu’on est prince. Pendant ce temps, ici on kidnappe, on tue. Des adultes. Des enfants. Le pouvoir politique de facto que l’Occident refuse de condamner n’est pas l’auteur direct des crimes. Mais la preuve a été faite que certains de ses membres ont participé à de tels crimes. La preuve a été faite aussi qu’il a utilisé le banditisme comme arme politique.
Tel pays occidental, bicentenaire oblige (?), célèbre tel homme politique dont le racisme est connu. Revisiter son parcours est sans doute nécessaire, mais la place qu’on lui donne dans le roman national ne devrait-elle pas tenir compte de la portée de ses actions sur l’histoire de tous, y compris ceux qui ont été les victimes de sa politique, de ses sarcasmes et injures méprisantes ? La ruse consiste à banaliser son racisme en disant que c’était l’époque. Affirmation fausse, tous les Blancs n’ont jamais été racistes. Et dangereuse, elle permet de faire fi des responsabilités personnelles et de créer un étrange sujet collectif : l’époque. Pendant ce temps, ici on kidnappe, on tue. Ce n’est pas l’époque qui kidnappe et tue. C’est une époque où l’on kidnappe et l’on tue parce que les rapports entre l’État et la nation qui n’étaient déjà pas en faveur de la nation se sont encore dégradés : parce que la « communauté internationale » a cautionné mascarades et parodies favorisant l’accès et le maintien au pouvoir d’un personnel politique corrompu, criminel et incompétent ; parce qu’une « classe des affaires » a profité sans vergogne ni sentiment national d’un système économique et social que le peuple n’accepte plus et qui ne peut plus produire de cohésion sociale.
« Nous ne serons pas heureux tant que ce dictateur ne sera pas parti ». La phrase vient de Birmanie, elle est relayée par des médias occidentaux. Ce qui est juste. Il faut en finir avec les dictatures. Ici cela se dit, s’écrit, se chante tous les jours. Mais ce n’est pas relayé. Il faut, hélas, qu’un vieux missionnaire dont l’humanisme et l’engagement envers Haïti sont reconnus par tous soit enlevé pour qu’on commence à s’émouvoir du quotidien d’un peuple qui ne vit plus. Qui dénonce alliance entre folie dictatoriale et crime. Ce qui me réconforte, ces dernières phrases ne sont pas de moi, mais d’un poète français assez discret qui a longtemps vécu en Haïti.
Dans ce monde d’inégalités, la distribution inégale des informations, les orientations culturelles, idéologiques, raciales qui fondent les supports, relais, indifférences, pèsent aussi d’un bon poids.
M. Antoine Lyonel Trouillot
Journaliste | Le Nouvelliste
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