« Le Christ te fera voir comme Dieu lui-même voit. »
Homélie du 4ème Dimanche
Temps de Carême – A,
Textes bibliques de référence :
1 Sm 16, 1b.6-7.10-13 ; Eph 5, 8-14 ; Jn 1, 1-41
La liturgie de ce quatrième dimanche nous invite à la joie, alors que nous continuons notre itinéraire pénitentiel de Carême. Cette joie vient de l’œuvre du Christ telle qu’elle est offerte à notre regard et à notre méditation à travers le récit évangélique de la guérison d’un aveugle-né (Jn 9, 1-41). Le miracle raconté par l’évangéliste Saint Jean met en scène le passage de l’obscurité due à la cécité physique qui empêche de contempler la lumière, à l’illumination que rend possible la foi en Christ.
D’abord, l’on se souvient que les « aveugles » faisaient partie du groupe des exclus de la société palestinienne du temps de Jésus. Selon la théologie officielle de cette époque, la cécité de cet homme était considérée comme la conséquence de ses propres péchés ou de ceux de ses parents. Aussi, en le voyant, les disciples questionnent-ils Jésus : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ».
Jésus rejette catégoriquement cette interprétation erronée qui enferme dans la culpabilité. « Ni lui ni ses parents n’ont péché » (Jn 9, 3), corrige-t-il. Face à cet homme marqué par ses limites et ses souffrances, Jésus refuse la voie de la facilité qui oblige à se résigner de son sort. Il préfère d’orienter notre regard, notre intelligence et notre cœur vers la bonté de Dieu qui a créé l’homme pour la vie. Jésus saisit alors l’occasion pour révéler la mission que le Père lui a confiée. Celle précisément d’être « la lumière du monde » et de remplir de lumière la vie de ceux et celles qui croupissent dans les ténèbres. Aussi, va-t-il réaliser un geste créateur qui rappelle celui de Yahvé Dieu son Père, qui a modelé l’homme en argile (cf. Gn 2,7). Par sa salive, Jésus a transmis sa propre force vitale – sa propre énergie – à l’aveugle-né. Une salive qui rappelle le souffle de Dieu, qui a donné vie à Adam (cf. Gn 2,7). Ayant ajouté sa propre énergie vitale à l’argile, Jésus répète pour cet exclu le geste créateur de Dieu son Père. Car sa mission, comme l’Envoyé du Père, est de créer un nouvel homme. Un nouvel homme animé par l’Esprit.
Toutefois, la guérison ainsi opérée n’est pas immédiate. La coopération du patient est requise : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ordonne-t-il à l’aveugle-né. Saint Jean prend soin de nous expliquer le mot « Siloé », qui vient de l’hébreu et signifie « envoyé ». L’aveugle, pour retrouver la vue, doit se laver, par ordre de Jésus, dans la piscine dite « envoyée ». Ayant obéit à Jésus, il s’est remis à voir. Ainsi, pour « voir » les œuvres de Dieu, l’humanité doit accepter l’appel de Jésus à se laver dans l’« Envoyé par le Père », c’est-à-dire Jésus Lui-même. La foi en Jésus accepté et reconnu comme le Christ, Celui qui est l’Envoyé du Père et Sauveur, ouvre notre vie à une nouvelle vision de Dieu et du monde.
Dieu attend notre disponibilité pour changer notre regard sur nous et sur les autres, pour nous ouvrir les yeux sur lui, pour changer notre cœur aussi, afin que nous devenions parfaits comme lui est parfait. Dieu attend que nous nous laissions faire, façonner et même que nous participions à son action, comme Samuel dans sa mission se laisse guider par Dieu, et comme l’aveugle qui va se laver.
Si nous acceptions de laisser Jésus Christ nous ouvrir les yeux, et si nous lui obéissions quand il nous demande d’aller nous laver, alors des choses changeraient. Peut-être arriverions-nous à nous aider mutuellement à dépasser nos faiblesses et nos manques. Peut-être pourrions-nous être des guérisseurs pour d’autres, et être guéris par un autre. Les uns et les autres nous pourrions alors vaincre ensemble nos handicaps. C’est peut-être du rêve, mais un jour, le rêve est devenu réalité pour l’aveugle-né de Jérusalem.
Alors, je pense qu’il nous est bon de réentendre la Parole de saint Paul dans la deuxième lecture extraite de la Lettre aux Éphésiens :
« Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière – or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité – et sachez reconnaitre ce qui est capable de plaire au Seigneur« .
Et Saint Paul termine son message, en interpellant chacun de ses auditeurs, chacun d’entre nous : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi, d’entre les morts, et le Christ t’illuminera« .
Oui, le Christ te fera voir comme Dieu lui-même voit. Amen !
Père Paul Dossous,
Supérieur Général de la Société des Prêtres de Saint-Jacques
Centre Missionnaire Saint-Jacques, Le 22 mars 2020